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Bien ou mal !??
...Cannabis...
Bien ou mal !??
Cannabis Sativa est une plante légendaire et mythique. Pourtant aucun livre d'histoire ne la raconte. du monde végétal, son double visage est un cas unique. Il y a le chanvre, la plante textile légale et il y a le cannabis, la plante psychotrope.
Il s'agit en fait d'une seule et même espèce : Cannabis Sativa, dont voici l'histoire.
Le Cannabis Sativa est une des plantes les plus anciennement cultivée par l'homme. Le travail du chanvre était déjà développé en Chine 10'000 ans avant J.-C.. On a d'abord récolté les graines pour se nourrir, puis on a découvert qu'en brisant la tige on pouvait en retirer des fibres pour faire du papier, des filets de pêches ou même du textile. Les habitants de la Chine Ancienne appelaient leur pays, le pays du chanvre et du mûrier. Les feuilles de mûrier étaient utilisées pour l'élevage des vers à soie producteurs du précieux textile que seuls les riches et les puissants pouvaient s'offrir. Les autres portaient les vêtements de chanvre.
Chanvre se dit «Mâ» en chinois, ce qui signifie littéralement «plante à deux sexes», à la fois mâle et femelle. Le chanvre fut aussi la première plante à être cultivée pour la fabrication des armes de guerre. Les Chinois ont d'abord utilisés des bambous pour les arcs, avant de découvrir que la fibre de chanvre était plus résistante. Dès lors, les empereurs firent affecter une partie des terres pour la culture exclusive du chanvre. Arme de guerre, le chanvre servait également à la culture.
Selon une légende ancienne, l'invention du papier chanvre serait due à Tsai Lung eunuque de la cour impériale. Pour attirer l'attention de l'empereur sur son invention, Tsai Lung se fit passer pour mort, il ordonna que du papier de chanvre soit brûlé autour de son cercueil, puis organisa sa propre résurrection et l'attribua au pouvoir de son invention. Depuis, les Chinois brûlent du papier de chanvre lors de leurs funérailles.
La légende est également à l'origine du «Woo Foo», les cinq niveaux de deuil, un code qui impose aux parents d'un défunt le port d'un vêtement de chanvre différent en fonction de leur lien avec lui.
Pendant longtemps, les Chinois ont jalousement gardé le secret de la fabrication du papier de chanvre. Il faut attendre le Ve siècle de notre ère pour que ce savoir soit d'abord transmis au Japon, avant de s'étendre au Moyen-Orient et apparaître finalement en Europe au XIIIe siècle. L'utilisation de la plante remonte au XXVIIIe siècle avant J.-C., lorsque l'empereur Chen Lung fonda la médecine chinoise. On soignait alors les blessures de guerre en appliquant les feuilles de cannabis directement sur la plaie.
Aujourd'hui encore, dans le monde entier, des médecins plaident en faveur de l'utilisation des fleurs de cannabis comme traitement contre la douleur, notamment pour les patients atteints du cancer et du sida.
Le cannabis fut également cultivé sur les marches du continent Indien, Kazakhstan, Pakistan, Népal, Cachemire d'aujourd'hui. Les fermiers indiens utilisaient la technique du ruissage, pour le transformer en farine, bouillie ou même «pop corn».
Les graines servaient aussi de nourriture et fournissaient une huile à faible teneur en acide gras. Au IIIe siècle après J.-C., l'empereur romain Gallien recommande l'usage du cannabis qui, assure-t-il, entraîne bonheur et hilarité. Dans une société en pleine décomposition, les romains se tournent vers des dieux venus d'Orient. Mitra et Zaratustra dont les zélateurs (adorateurs) se combattent férocement.
Pour les Romains, le chanvre était vraiment le nerf de la guerre.
Ceci nous offre une parfaite illustration de l'importance stratégique du chanvre dans toutes les sociétés à travers l'histoire. Les Romains possédaient des réserves de chanvres des deux côtés des Alpes. Ils en avaient une à Ravenne et une à Vienne. Le fournisseur de chanvre occupait une place très importante dans la hiérarchie. Ils l'utilisaient également sous toutes ses formes: vêtements, abris, nourriture et médecine.
Plus tard, les chrétiens diabolisent le cannabis et lient son usage aux rites sataniques.
Il faut attendre le IXe siècle et Charlemagne pour voir à nouveau encouragée la culture de chanvre. Dans les monastères, les moines copistes travaillent sur du papier de chanvre à la lumière de lampes à huile... de chanvre. 1455, c'est sur du papier chanvre que Guttemberg imprime sa première bible. En 1484, le pape Innocent VIII déclare sacrilège la consommation de cannabis.
Au XVIe siècle, en France, François Rabelais médecin et écrivain évoque de manière détournée le cannabis dans son célèbre ouvrage Faits et dits héroïques du grand Pantagruel. Un éminent historien français, Pierre Goubert était convaincu que la prospérité croissante à la fin du XVIe siècle et au XVIIe dans l'ouest de la France était due principalement aux syndicats des industriels du chanvre et du lin. Il faut se souvenir qu' à la fin du XVe siècle, l'Espagne dominait les Indes. D'après Goubert, c'est grâce à la création de ces syndicats et aux échanges commerciaux avec l'Espagne qu'on a pu constater à cette époque en France une croissance des richesses de la population.
Christophe Colomb découvrit l'Amérique en 1492 et y introduit le chanvre par la même occasion. Parmi les cadeaux qu'il offre aux Indiens, on y trouve des graines et des vêtements de chanvre. Le chanvre sert à la fabrication des voiles et cordages. Grâce à lui, la France, l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal développent leurs puissances maritimes. En 1620, le May Flowers transporte les colons anglais qui vont conquérir l'Amérique; dans sa cale il emporte également des graines de chanvre.
Cent ans plus tard, c'est sur du papier chanvre que sont écrites les ébauches de la Constitution américaine, c'est également le cas de la Déclaration d'indépendance en 1776.
Les graines furent également introduites en Amérique par les esclaves.
Pendant des siècles, le chanvre reste une matière stratégique pour l'Angleterre. Au début du XIXe siècle, il compose toujours l'essentiel des voiles et cordages des navires. Il est importé à 90% d'Italie et de Russie. Avec les guerres de conquêtes napoléoniennes, le royaume britannique craint pour ses approvisionnements. Le roi d'Angleterre Georges III développe la culture de chanvre et construit des manufactures dans les ports de la côte sud du pays. En 1803, la marine anglaise organise un blocus contre la France. En réaction, Napoléon signe un accord avec le Tsar Alexandre 1er. Le traité de Tilsit interdit notamment les exportations de chanvre russe à destination de l'Angleterre. Malgré les protestations de Napoléon, Alexandre 1er laisse passer le chanvre en contrebande pour l'Angleterre, c'est l'un des éléments qui pousse Napoléon à envahir la Russie.
Dans l'Europe du XIXe siècle, la mode est au cannabis, l'Orient et ses mystères provoquent les passions les plus folles. La vogue orientale influe sur les règles vestimentaires, la destination des voyages ou la décoration des intérieurs. Pour se conformer au goût du jour, on fume, selon la méthode ancestrale, la pipe à eau, également appelée «Mouga».
A Paris, l'hôtel Pimaudent abritait le célèbre club des Haschichins. Artistes et écrivains venaient y déguster la fameuse confiture du docteur Joseph Moreau de Tours. Parmi les plus célèbres on compte: Théophile Gaultier, Eugène Delacroix, Charles Baudelaire, Alexandre Dumas et Gérard de Nerval. La reine d'Angleterre Victoria était également une adepte de la confiture de Haschich, comme de nombreuses femmes de sa génération, elle en consommait pour calmer ses règles douloureuses.
A Amsterdam le cannabis importé d'Afrique du sud depuis 1660 se fumait dans les coffee shop, une tradition qui se perpétue aujourd'hui.
A la fin du XIXe siècle, les émigrants indiens introduisent le cannabis au Mexique où il prend le nom de marijuana et devient le symbole de la révolution de Pancho Villa avec la chanson «la Cucaracca».
De leur côté, les fermiers mexicains reprennent à leur compte la méthode indienne du ruissage pour apprêter les fibres. Ils fabriquent toutes sortes de produits, des chapeaux aux sacs, en passant par les tapis.
Du Mexique, la marijuana voyage jusqu'au sud des Etats-Unis. Les esclaves des plantations de cotons la consomme pour tenter d'adoucir leur condition. Puis c'est au tour des bidonvilles de Louiseville - Dixieland et le swing - de découvrir la fièvre de la marijuana, elle y est connue sous le nom de «reefer».
En quelques années, les chansons sur l'herbe font fureur et les clubs de musique fleurissent partout où la communauté noire immigrée s'est établie. La fièvre de la marijuana associée à un nouveau développement de l'industrie du chanvre et à une prise de conscience des dangers de l'alcool, commence à faire parler d'elle dans les coulisses du pouvoir. L'alcool commence à être reconnu comme un danger pour la société. Les femmes américaines forment un groupe de pression et réclament l'interdiction de la vente d'alcool.
Viennent les années de la Prohibition et leur cortège de violence. L'alcool est à nouveau légal en 1933.
La Chine, le pays du chanvre, fait partie du plan de conquête militaire du Japon. L'invasion de la Chine et des Philippines, deux pays gros producteurs de chanvre provoque le début d'un rationnement.
De son côté Hitler, comme d'autres chefs de guerre avant lui, prend conscience de l'importance stratégique du chanvre, qui sert à la fabrication de nombreux textiles indispensables en temps de guerre. Lorsque les troupes allemandes envahissent la Russie en 1941, elles coupent l'accès du chanvre russe. L'Allemagne parvient à poursuivre sa production de chanvre, mais l'Angleterre est privée d'une fibre nécessaire à son effort de guerre. En 1942, les troupes allemandes atteignent le coeur de la Russie.
Pour protéger son approvisionnement, l'Angleterre demande à l'Inde d'accroître sa production de chanvre. Pendant ce temps, la guerre gagne du terrain au Japon. Lorsque les Japonais bombardent Pearl Harbour et obligent ainsi les américains à entrer en guerre, ceux-ci s'aperçoivent qu'ils n'ont plus accès à leur source d'approvisionnement en chanvre. Or, les forces armées dépendent complètement du chanvre, pour les cordages, câbles et ficelles ainsi que pour les chaussures, bottes et autres équipements divers.
Le gouvernement américain décide de former une industrie de guerre pour le chanvre. Les Etats-Unis relégalisent la marijuana et distribuent des graines à ses fermiers. Un film de propagande est même réalisé pour encourager cet effort de guerre: Hemp for victory : du chanvre pour la victoire
Les forces aériennes alliées dépendent complètement du chanvre, les sangles des parachutes, tout comme les sacs à dos et les ceintures sont faits de chanvre. Une fois les Japonais chassés des Philippines par le général McArthur, la production de chanvre retrouve son niveau d'avant-guerre.
Après les années de guerre un nouveau monde apparaît, l'Inde obtient son indépendance. Grâce à la mécanisation, le pays double sa production et peut développer ses exportations vers les Etats-Unis et le reste du monde. Les Etats-Unis interdisent à nouveau la culture du chanvre, mais en importent des millions de tonnes pendant le boum économique de l'après-guerre pour approvisionner leurs industries.
Dans la France de l'après-guerre, la culture et le travail du chanvre connaissent également une véritable révolution industrielle.
Dans les années 60, la génération des Hippies lance un mouvement mondial en faveur de la légalisation du cannabis. Sa consommation est encouragée par les vedettes du rock anglais et américain, les Beatles, John Lennon en tête, choquent l'Angleterre bien-pensante avec leur message ouvertement pro-cannabique. Lorsque Mick Jagger et Brian Jones sont arrêtés en possession de cannabis, les Rolling Stones sortent la chanson «We love you», une réponse en pied de nez aux représentants de la loi. L'intérêt des Rolling Stones pour la culture marocaine fait des émules, ils créent ainsi une alternative à la mode de l'Inde et des Beatles. Désormais, c'est vers le Maroc que les Hippies prennent la route.
Dans les années '70, en Jamaïque, les rastas fument le cannabis qu'ils appellent «ganja», la nourriture de l'esprit. Toujours dans les années '70, le cannabis est dépénalisé à Amsterdam. Ben Dronckers devient ainsi le premier producteur légal de marijuana millionnaire.
Le renouveau du chanvre attire l'attention du magazine High Times, la bible américaine du cannabis, qui envoie Elrose Hunter journaliste intrépide visiter l'Europe pour ramener des photos. Ed vient de publier son ouvrage Hemp today, le chanvre aujourd'hui. En 1992, les médias britanniques font leurs gros titres sur la première récolte légale de chanvre depuis 70 ans en Angleterre. La police anglaise a cessé d'arrêter les petits consommateurs, Londres devient le nouvel Amsterdam et les groupes de pop anglais reviennent en force dans les hit-parades avec des chansons sur la marijuana.
La prise de conscience écologique qui a suivi cette mode du cannabis, est à l'origine de l'apparition en Europe d'un marché de vêtements et de produits de toutes sortes. Lors du premier festival écologique international de Francfort en mars 1995, les écologistes tentent de promouvoir, avec plus ou moins de succès, la culture du chanvre. Aux abords de la conférence, une exposition commerciale vente les bienfaits du chanvre et du cannabis.
En Allemagne, depuis la dépénalisation du cannabis en mars 1995, le chanvre est en train de devenir une culture à la mode dans le petit monde des producteurs écologiques. Les graines et l'huile de chanvre sont de plus en plus utilisées dans les préparations culinaires.
En Suisse, le best seller de la cuisine du chanvre offre 22 recettes nutritives à base de chanvre. En France, on construit des maisons avec du chanvre aggloméré, des constructions, que leurs promoteurs assurent à l'épreuve du feu et de la décomposition. Le matériau supporterait l'usure du temps et ne perdrait aucune de ses propriétés naturelles.
Malgré cette criminalisation de la consommation, le chanvre n'a jamais complètement perdu ses adeptes en Suisse. Dans les années 60, certains milieux n'ont pas hésité - comme en Allemagne et en Hollande à s'afficher un joint à la bouche, en s'inspirant de l'exemple américain et, en partie, extrême-oriental.
Dans le cadre du mouvement hippie, le cannabis a symbolisé, pour bon nombre de jeunes, le refus de la société adulte et de son mode de vie. C'est ainsi que l'on a vu naître une «culture chanvre» dotée de son jargon, de ses rituels et de son infrastructure propres, culture dans laquelle la consommation de haschisch et de marijuana jouait un rôle primordial.
Avec le déclin des mouvements de protestation lancés par les jeunes, avec l'individualisation de la consommation et la progression des drogues dures (héroïne) sur le marché dans les années 80, les consommateurs de drogues se sont fait plus discrets, et le cannabis s'en est retourné dans l'ombre...
Récemment, toutefois, des adeptes du chanvre se sont organisés pour essayer de faire revivre tant le passé agraire de la plante que la culture hédoniste du cannabis des années 60. C'est ainsi que l'on a assisté à des essais de culture de chanvre industriel dans des régions de montagne, à la distribution de produits du chanvre par le biais de coopératives agricoles et de magasins avec vente au détail de haschisch et de marijuana. Nous avons aussi vu naître un véritable lobby politique visant à légaliser la culture, le commerce et la consommation des produits cannabiques.
La plante...
Le chanvre est une grande plante herbacée annuelle qui mesure de un à trois mètres de haut. Le chanvre appartient à la famille des Cannabacées (Cannabinacées) qui outre le genre Cannabis ne comporte que le houblon (genre Humulus). La plante présente des tiges dressées et des feuilles alternes, palmées, comportant de 3 à 9 folioles dentés. Les fleurs sont petites, de couleur verte. Les fleurs mâles forment des bouquets ramifiés alors que les fleurs femelles forment des épis. Les fruits secs, des akènes comportant une seule graine, sont enrobés dans une bractée florale persistante. C’est une plante résineuse, la résine étant sécrétée par des poils glandulaires particulièrement nombreux au niveau des sommités fleuries.
Bien que les avis divergent chez certains spécialistes sur l’existence d’une ou plusieurs espèces de Cannabis, la majorité des botanistes considèrent qu’il n’existe qu’une seule espèce de Cannabis, le C. sativa, dont les différentes formes (C. sativa sativa, C. sativa indica, C. sativa ruderalis) constituent des écotypes ou des variétés. Il s’agirait en effet d’une espèce peu stable sur le plan génétique et fortement influencée par les conditions écologiques malgré la sélection effectuée par l’homme depuis des milliers d’années.
Le nom de genre du chanvre, Cannabis, est employé aussi couramment pour caractériser les différentes formes sous lesquelles est consommée la plante ou ses dérivés,La teneur en résine sécrétée par les poils spécialisés situés au niveau des sommités florales est très variable selon l'origine géographique de la plante et les pratiques culturales. Aussi, la teneur en THC de la plante varie-t-elle de 1 à 10 %. Chaque poil sécréteur se termine par une tête globuleuse où s'accumule la résine et qui se détache aisément de son support.
C’est également une plante fibreuse. Ce sont ces deux dernières propriétés qui sont à l’origine de sa culture : la résine possède des propriétés psychotropes connues depuis la nuit des temps et le chanvre a été longtemps cultivé en Europe et en Asie pour ses longues fibres utilisées dans la fabrication de cordages.
C’est une plante cosmopolite, mais les conditions de milieu ont une grande influence sur son développement et sa croissance : dans les régions chaudes, elle produit beaucoup de résine et peu de fibres alors que dans les régions tempérées, elle produit beaucoup de fibres et peu de résine. Ceci conduit à distinguer la variété textile de la variété « indienne ». La culture du chanvre, interdite par les conventions internationales, est désormais autorisée en Europe à la condition d’utiliser des variétés textiles contenant moins de 0,3 % de tétrahydrocannabinol (ou THC), le principe actif responsable des propriétés psychotropes. Les semences, qui ne contiennent aucun principe actif, sont utilisées aussi pour préparer de la farine ou pour en extraire une huile riche en acides gras insaturés.
Des formes diverses : Marijuana, haschich, huile...
On connaît plus de 350 noms pour le chanvre dans le monde (dagga, ganja, kif, marijuana, takrouri, yamba…) sans compter le vocabulaire récent inventé par les utilisateurs contemporains. Dans le passé, diverses préparations traditionnelles contenant du cannabis étaient destinées à être mangées comme le bhang (boisson préparée à partir de la plante consommée dans le sous continent indien) et le dawamesk (pâtisserie à base de haschich consommée en Turquie et au Moyen-Orient), rendu célèbre au dix-neuvième siècle par les membres du club des haschichins qui consommaient le haschich sous cette forme principalement. Mais le plus souvent le cannabis était fumé et c'est de cette façon qu'il est majoritairement consommé aujourd'hui encore selon des méthodes qui varient avec les cultures.
Pour exploiter leurs propriétés psychotropes, les sommités fleuries des plants de chanvre sont préparées traditionnellement de deux façons différentes selon les régions.
Les plantes, plus particulièrement les sommités fleuries, récoltées directement et séchées donnent la marijuana qui est connue sous des noms variés selon les pays et dont la présentation et le mode deconsommation dépendent des coutumes locales.
On peut également récolter la résine sécrétée par les poils glandulaires pour préparer le haschich.
Plus récemment a été mise au point une technique utilisant des solvants qui permet d’isoler une huile de cannabis dont le contenu en principes actifs est beaucoup plus élevé.
Haschich...
Il existe deux méthodes traditionnelles de préparation artisanale du hachisch tandis que le hachisch destiné à l’exportation est préparé industriellement.
Au Proche et au Moyen-Orient, les plants de chanvre récoltés au moment de leur floraison sont battus sur un drap tendu sur un récipient large. Les poils sécréteurs microscopiques qui se détachent des sommités fleuries passent à travers le tamis constitué par le drap et constituent une poudre improprement appelée pollen puisque le véritable pollen des fleurs est constitué par les éléments mâles responsables de la fécondation chez les plantes à fleur. Selon la force appliquée pour battre les plants, la poudre obtenue est de qualité variable. Lorsque les plants sont simplement frottés sur le drap, on obtient une poudre constituée presque exclusivement des poils sécréteurs. C’est la meilleure qualité de haschich dont la teneur en THC, le principe actif du cannabis, dépasse couramment 20 %.
Si les plants sont battus plus violemment, on recueille davantage de poudre mais elle contient une proportion moindre de poils sécréteurs et est donc moins riche en principe actif.
Enfin, si les plants sont battus à l’aide d’une baguette, divers débris s’y ajoutent encore ce qui aboutit à une poudre encore moins riche. En général, dans les zones de production, un premier passage est réalisé en secouant simplement les sommités fleuries sur la toile. La poudre obtenue en quantité faible par rapport au poids de plantes utilisé (on récupère alors environ 1 % du poids initial des plantes) est réservée à la consommation locale. Le hachisch destiné à l’exportation est fait avec une poudre résultant d’un battage intensif des plantes entières, voire broyées, beaucoup plus rentable en terme de poids. C’est la raison pour laquelle la plupart des hachisch disponibles sur le marché clandestin en Europe sont de basse qualité.
En Inde et au Népal, la méthode de récolte traditionnelle est différente. Les sommités fleuries sont frottées entre les paumes des mains et la résine se dépose sur la peau. En frottant les mains l’une contre l’autre, la résine forme de petites boules qui sont ensuite agglomérées entre elles.
La poudre obtenue par tamisage n'est pas destinée à être consommée directement. Elle nécessite une préparation, le pressage. Lorsqu’il s’agit de préparation artisanale, le pressage est le plus souvent réalisé à la main. Une dizaine de grammes de poudre sont réunis dans le creux de la main, quelques gouttes d’eau y sont ajoutés, puis l’ensemble est longuement malaxé et chauffé de temps à autre. La poudre constitue alors une masse brune, plastique qui s'agglomère et devient de plus en plus homogène.
Divers types de pipes sont utilisées traditionnellement pour fumer le haschich mélangé ou non à du tabacDans la production industrielle, le pressage est réalisé avec des presses mécaniques. La poudre est enfermée dans des sacs de cellophane ou de tissu comme au Maroc ou au Pakistan et les sacs sont empilés sous une presse. Les plaques obtenues dont la masse va de deux cents grammes à un demi kilo reçoivent souvent une marque de fabrique imprimée en creux, directement sur la résine. En France, ces plaques ont reçu le nom de savonnettes. Bien souvent, la concentration en poils sécréteurs étant insuffisante, il est ajouté à la poudre diverses substances comme des corps gras permettant de lui donner un liant suffisant pour permettre le pressage.
Composition...
On a identifié dans la résine de chanvre 426 composés chimiques différents dont une soixantaine de substances liposolubles dérivées du terpène, les cannabinoïdes. Contrairement aux substances psychotropes extraites des autres plantes, il ne s’agit pas d’alcaloïdes car les cannabinoïdes ne sont pas alcalins et ne contiennent pas d’azote. Il s’agit d’une famille particulière de composés chimiques à laquelle appartiennent aussi de nombreuses substances non psychotropes produites par diverses essences végétales. Parmi les cannabinoïdes du chanvre, deux seulement sont psychoactifs, le delta 9- tétrahydrocannabinol ou THC, présent dans toutes les variétés, et la tétrahydrocanabivérine présente semble-t-il seulement dans quelques variétés. Le chanvre sauvage contient de 1 à 7 % de THC, mais les cultivateurs hollandais et californiens produisent couramment des variétés obtenues par hybridation et sélection qui en contiennent jusqu'à plus de 10 % (skunk, sinsemilla). Le haschich contient de 5 à 40 % de THC.
L’Antiquité...
Le chanvre est, avec le pavot, la plante la plus anciennement consommée par l'homme pour ses propriétés psychotropes. Il est originaire du versant indien ou chinois de l’Himalaya, et il est connu en Chine depuis au moins 6 000 ans. Ses fibres et ses graines étaient largement exploitées de même que ses propriétés psychotropes. Il faisait partie en Inde des cinq plantes magiques utilisées dans les rituels religieux et entrait sans doute dans la composition du soma. La ganja et le bhang continuent d’être utilisés chez les Hindous à des fins rituelles, notamment dans certains temples. Son usage s’est répandu très tôt dans le monde entier. Il était connu des Assyriens et des Scythes il y a trois mille ans. Ces derniers l’utilisaient en fumigations : ils jetaient la plante ou la résine sur des pierres chauffées après avoir étanchéifié le local et inhalaient la fumée.
En Égypte on l’utilisait d’une manière comparable. La médecine grecque le reconnut comme hallucinogène. Massilia, l’actuelle Marseille, exportait dès le septième siècle avant notre ère des cordages de chanvre et la découverte de nombreuses pipes sur le site suggère son utilisation comme psychotrope à cette époque où le tabac était inconnu en Europe. Le nom de Cannebière qui a la même racine que cannabis rappelle l'importance de cette plante dans l’économie locale.
Le chanvre était bien connu aussi des Arabes qui, à la fin du treizième siècle, disposaient de plus de cent termes différents pour le qualifier. Il était utilisé à la fois comme médicament et comme stupéfiant. L’histoire de la secte des Haschichins, ennemis des croisés qui tentèrent d’assassiner saint Louis, est bien connue mais sa relation avec l’étymologie du mot assassin reste controversée.
L’Europe...
En Europe, son usage en tant que psychotrope est resté méconnu jusqu'au dix septième siècle sauf par Paracelse et Rabelais (qui décrivit au seizième siècle le « pantagruélion » dont les caractéristiques suggèrent qu’il s’agit du chanvre) alors que ses fibres étaient d'une importance stratégique (cordages).
La connaissance de ses effets se répandit en Europe, en France, après la campagne napoléonienne d’Égypte, pays où il était largement consommé sous forme de haschich, et, en Angleterre, après la conquête des Indes. Un décret de Bonaparte du 8 octobre 1800 tenta de prohiber son commerce et son utilisation en Égypte mais il suscita néanmoins l’intérêt de scientifiques ayant accompagné Bonaparte dans ce pays comme Sylvestre de Sacy, Aubert Roche et Jacques Moreau de Tours. Ce dernier, psychiatre, l’étudia scientifiquement, le testa pour traiter ses malades et publia Du Haschich et de l’Aliénation Mentale, ouvrage qui devait avoir un grand retentissement. Il fit connaître le haschich à Théophile Gauthier et à d’autres écrivains et artistes comme Charles Baudelaire, Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Delacroix etc. De leurs soirées naquit le club des haschichins réunissant à l’hôtel Pimodan l’intelligentsia de l’époque. Ils y expérimentèrent les effets du haschich sous forme de dawamesk. Les écrits de T. Gauthier comme le Club des Haschichins ou de C. Baudelaire comme Les Paradis artificiels populariseront ces expériences.
Le chanvre et ses dérivés, comme les autres drogues traditionnelles (opium, coca), seront interdits en France par la première loi de prohibition concernant les psychotropes, votée le 12 juillet 1916 qui n’empêchera pourtant pas la régie française des tabacs de vendre officiellement un mélange de kif et de tabac en Afrique du nord et la France de produire du chandou en Indochine à travers une Régie de l'opium jusque dans les années 50.
En Grande-Bretagne, vers 1840, O’Shaugnessy, un médecin irlandais ayant travaillé aux Indes comme médecin de la Compagnie des Indes orientales, étudia expérimentalement les propriétés du chanvre et introduisit son usage en médecine. On en fit dès lors des médicaments contre les douleurs, l’asthme, les migraines etc. Ces médicaments se répandirent rapidement aussi aux États-Unis.
Le gouvernement britannique, confronté à une consommation importante de chanvre en Inde, prit l’initiative de mettre en place une commission chargée d’une étude exhaustive sur cette plante (Indian Hemp Drugs Commission). La commission rendit en 1894 un rapport de 7 500 pages comportant sept volumes, probablement l’étude la plus approfondie qui ait jamais été faite sur la question.
Le rapport concluait à l’absence de nocivité du chanvre. En 1916 pourtant, comme la France, la Grande-Bretagne adoptera une législation prohibitionniste s’étendant à toutes les drogues.
Aujourd'hui, divers groupes de pression luttent pour la libéralisation de l'usage du chanvre sous une forme ou sous une autre. Certains groupes militent pour la légalisation de l'utilisation médicale (Cannabis buyer's club aux USA), d'autres pour une dépénalisation voire une légalisation (Mouvement pour la Libéralisation Contrôlée, Collectif d'Information et de Recherche Cannabique en France). Dans la plupart des pays européens il existe aujourd'hui une dépénalisation de fait ou de droit du simple usage mais le chanvre reste inscrit sur la liste internationale des stupéfiants sans utilisation médicale. En France, où le simple usage est un délit, des circulaires aux procureurs préconisent cependant de ne pas poursuivre les simples usagers.L’Amérique...
En Amérique, si le chanvre était cultivé pour ses fibres dès le dix neuvième siècle, l’habitude de le fumer a probablement été importée d’Afrique au Brésil par les esclaves. Le chanvre est en effet présent depuis longtemps en Afrique où Livingstone l’avait rencontré sous une forme sauvage au Congo lors de ses explorations. Du Brésil, il gagna ensuite le Mexique puis les États-Unis. Les travailleurs mexicains qui, au début du siècle, traversaient la frontière vers les USA l’introduisirent au Texas. Dès 1937, le chanvre appelé par son nom mexicain marijuana, fut interdit aux États-Unis par le Marijuana Tax Act après d'hystériques campagnes de presse. Autorisée de nouveau pendant la guerre pour fournir des fibres, sa culture sera de nouveau interdite après guerre.
Aujourd'hui, l'Amérique du Nord est un des principaux producteurs clandestins de cannabis avec notamment de vastes surfaces cultivées aux USA et la mise au point au Canada de variétés hybrides sélectionnées particulièrement riches en THC souvent cultivées en intérieur.
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